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13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 20:44

Alors que Munich sort au cinéma, la guerre des mondes est l’occasion de redécouvrir la passion de Steven Spielberg pour la science-fiction et le sacré dans le cinéma.

 

De microscopiques bactéries font l’ouverture du générique. Environ deux heures après, la guerre des mondes s’achève par un gros plan de bourgeon verdoyant sur fond d’apocalypse. Pas de doute, malgré la noirceur de son film, Spielberg croit en l’homme et en la vie. Il faut tout le franchissement du film pour l’apprécier, lutte éprouvante, sans aucune minute de répit ! A ce titre la violence du film (qui l’a vu interdire au moins de 12 ans) peut interroger mais elle est justifiée. Spielberg veut montrer que, même au cœur de la pire des situations, l’espérance est toujours possible.

Le film présente une traversée violente, tourmentée et même apocalyptique de l’humanité. (Les effets spéciaux hyper-réalistes expliquent aussi l’aspect impressionnant de l’image pour le jeune public). Les extra-terrestres envahissent la terre. Ils veulent rayer de la carte le genre humain. Le vulgaire scénario d’extra-terrestre n’est qu’un prétexte pour Spielberg dont on connaît l’attachement pour les films de science-fiction (Rencontre du 3ème type, ET, Minority report, AI etc…) : le réalisateur s’attache surtout à parler, de manière universelle, du mal et de la nature profonde de l’homme. Il existe au cœur de notre humanité un mal extérieur à nous : l’invasion des aliens, comme chez Ridley Scott, symbolise surtout celle de l’Alien c’est-à-dire de l’Etranger qui attaque la nature humaine. Les éléments se déchaînent tout au long du film, la fin du monde approche. Sous la terre, dans le ciel, par le feu et l’eau, l’homme est menacé par cette nature d’habitude bienfaitrice. Cette guerre des mondes incarne les attentats du 11 septembre (Le plan du caméscope par terre qui continue de filmer pendant l’attaque de la ville sort tout droit des images d’actualités de New York lors de l’attentat). Mais elle symbolise tout autant la peur de la fin du monde, l’omniprésence de la science, les catastrophes naturelles…Autant de fantasmes qui actuellement terrorisent les Américains. Spielberg va encore plus loin, de manière plus personnelle,  en faisant de cette destruction extraterrestre  le mythe même de la violence totalitariste et fasciste. La liste de Schindler  hante le film: Spielberg ne cesse d’exorciser l’holocauste. La guerre des mondes ne se contente pas de faire ressurgir nos peurs contemporaines par le biais du genre film de catastrophe. Il parvient en même temps à montrer le mal intérieur à l’homme. Face à des situations extrêmes, l’être humain révèle en lui la violence, l’animalité et le meurtre. La guerre fait resurgir les démons (Il faut sauver le soldat Rian). L’homme menacé devient menaçant.

Tom Cruise et Dakota Fanning. United International Pictures (UIP)

Pour mettre en image cette allégorie du mal, le réalisateur utilise une caméra aérienne, mouvante, tournoyante, utilisant de nombreux travellings comme pour mieux exprimer l’universel du propos : l’être humain est dépassé ; tout se déroule littéralement au dessus de lui, il est assailli de toutes parts par des forces qui le dépassent.  Une vision de l’homme soumis, écrasé, étouffé par le mal, exprimée par l’enfermement et claustrophobie auxquelles les personnages sont forcés. L’illustration la meilleure en est certainement la scène où le père et sa fille se sont réfugiés dans une cave avec un fou de guerre. Tout à coup une sorte de tuyau serpenté électronique surmonté d’un grand œil s’immisce dans la cave pour vérifier s’il n’y a plus de trace humaine après le désastre. Tel l’insidieux serpent  il scrute l’espace, à la recherche de sa proie. Tout est dit de manière allégorique: l’œil du serpent ne laisse pas l’homme innocent, il constitue une menace constante pour l’humanité. Pour survivre et protégé sa petite fille, le père joué par Tom Cruise devra même éliminer le troisième personnage enfermé avec eux. L’Etranger passe alors de l’extraterrestre à l’homme lui-même, le semblable. Une image du combat contre le mal, extérieur et intérieur à l’homme, comme il y en a beaucoup dans ce film.

Le réalisateur a pu donner aussi une dimension universelle à son film en le  parsemant d’images poétiques atemporelles. Des vêtements pleuvent du ciel, des cendres volent dans les airs, des corps flottent dans le courant du fleuve, un paysage de rue dévasté et nous voici dans des images d’actualité sur la guerre… A ces moments précis, comme une respiration,  le temps du récit est suspendu, le film prend des allures de mémorial.

Tom Cruise. United International Pictures (UIP)

Au sein du désastre apocalyptique, le cœur du film se situe dans le traitement que fait Spielberg de la famille (AI). L’invasion du mal se vit également à petite échelle au travers de l’histoire d’une famille éclatée, d’un père qui veut retrouver la confiance de ses enfants. Ici le metteur en scène montrera que même si l’homme est capable de la pus grande barbarie, il est aussi capable d’un amour extrême et d’un instinct de survie exemplaire. C’est ce que va vivre le papa de cette histoire joué par Tom Cruise qui va sauver de la fin des temps le foyer familial et s’avérer être un père qui fait réellement don de sa vie. Malgré une fin trop bâclée (le défaut de Spielberg ?), le message est clair : pour Spielberg l’avenir de l’humanité réside dans la famille et le perpétuel renouvellement de la vie, cycle naturel et biologique.

Voir aussi l'article sur Minority Report dans Mes Films



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13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 20:35

Tom Cruise. UFD

Il est loin le temps de E.T. et de l’innocence des comtes de fée pour enfants. Le cinéma de Spielberg, dépressif et hanté par les morts, semble désormais s’adresser à leurs pères defunts.

Le cinéma de Spielberg serait-il rentré dans une phase de dépression ? Minority Report, film lugubre, desespéré et méandreux, nous donne la confirmation de cette perte d’innocence, comme c’était déjà le cas dans le précédent film de Spielberg , A.I.. Le cinéaste utilise la fable politique de science-fiction pour aborder une de ses obsédantes questions qu’est la dépression de la famille américaine avec comme toile de fond l’absence ou la mort de l’enfant. La filiation et le don sont en effet les grands absents de cette histoire.

Tom Cruise et Colin Farrell. UFD

A la croisée de Blade Runner et d’ Orange mécanique, le film se situe dans un futur proche où John Anderton, flic de la pré-crime, appartient à une brigade qui peut arrêter les criminels avant qu’ils ne commettent leurs méfaits grâce à des voyants, appelés « pré-cogs », sorte d’oracles des temps modernes. Un jour il découvre qu’il fait lui-même partie des suspects à arrêter…
La première partie du film, très homogène et réussie, suscite un intérêt croissant pour les sujets qu’elle aborde ( le débat science technologique et foi, l’humain qui se passe du divin, le pouvoir des images, les conséquences d’une société de plus en plus surveillée par la police ) mais aussi pour sa forme ( le refus du parti pris visuel c’est-à-dire l’utilisation distillée et intelligente des effets spéciaux pour rendre compte d’un univers glacial à travers l’utilisation d’une dominante bleue de l’image, le soucis du détail , le côté néo-moderne des décors, etc.). Hélas le film s’étire, s’enlise, devient trop prévisible et conventionnel, notamment à la fin, donnant l’impression que le cinéaste n’a pas été jusqu’au bout, en cédant à la facilité.

Tom Cruise. UFD


Minority Report, comme A.I., représente à mes yeux un film «inégal». Il ne parvient pas à aller jusqu’au bout de son questionnement : quel est le sens de l’existence et la place de l’homme dans un monde où l’on parvient à tout maîtriser, même le temps ? Quelle juridiction peut on appliquer à l’image et au virtuel ? Spielberg ne maîtrise pas la seconde partie de son film.

Le film traite de la défaillance du rôle du père ainsi que de l’échec de la maîtrise de la violence à travers la loi. Seule brèche dans cette vision déshumanisée du futur : le personnage joué par Tom Cruise, père affligé par la disparition de son fils, qui fait appel à la mémoire et à la vérité pour prouver son innocence, nous rappelant ainsi que seul le faire mémoire permet d’envisager un futur qui ait du sens.
Minority Report, film inégal certes, mais, en même temps, film à étudier de près parce qu’il est « vrai » (du point de vue de la personne du réalisateur qui sans démagogie ne craint pas de « miner » son univers cinématographique) et concentre en lui-même de nombreuses obsessions sociales et politiques bien réelles dans nos sociétés actuelles .

Octobre 2002

UFD

Voir aussi l'article sur la guerre des mondes dans la rubrique DVD





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13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 20:22

Un film de science fiction très maîtrisé visuellement et un personnage en proie à une angoisse existentielle

La bande annonce, comme c’est souvent le cas, ne reflète pas l’intelligence et la force visuelle du dernier film de N. Shyamalan. Un film à explorer dans le détail de toute sa richesse. Rappelons d’abord que c’est l’auteur de Sixième sens et Incassable. Sa nationalité indienne et son indépendance par rapport aux studios américains ( il a écrit, réalisé et produit lui-même le film ) lui permettent de bâtir un film très personnel et imprégné de spiritualité .

Mel Gibson et Rory Culkin.


Ce qui frappe d’abord : la puissance visuelle que dégage ce film qui rappelle celle des films de S. Kubrick. Faisant appel à nos sentiments les plus profonds ( la peur, le rire, le rêve…) , il atteint un degré d’émotion que l’on voit rarement au cinéma. Chaque plan minutieusement travaillé (cf. Hitchcock) guide l’œil du spectateur et le porte à voir juste ce qu’il faut, sans jouer sur le spectaculaire. Les scènes sont très souvent filmées à hauteur des sujets, nous partageons la vision des personnages eux-mêmes. Au travers de l’usage particulièrement fin du son et de la musique - la bande sonore expérimentale du film souligne l’émotion juste quand et comme il faut, en jouant sur les contrastes d’intensité - Signes est un film « à la force silencieuse » , parfois terriblement angoissant si on se laisse prendre dans les filets de cette histoire d’invasion extraterrestre. Qu’on se rassure ! Il est bien question de cinéma. On est ici plus proche de l’Alien de Ridley Scott que de «Independance Day » d’Emmerich !

Mel Gibson et Joachin Phoenix.


Shyamalan ne fait pas de cette force visuelle et de son réel talent de mise en scène un prétexte purement fictionnel et commercial pour se situer dans la lignée des productions américaines à grand spectacle. Son art est totalement au service du fond de son propos : l’altérité de l’image et du mal, extérieurs à l’homme. L’image « altère » l’homme, elle s’impose à lui du dehors, venant perturber son équilibre ; elle sème en lui la division. C’ est de cette division à l’intérieur de l’homme entre le monde de l’image et le monde réel que parle le film et de la lutte qu’elle provoque en l’être humain pour rechercher le vrai, le bon. Le personnage principal du film est un pasteur joué par Mel Gibson qui a perdu la foi suite au décès de sa femme : c’est à ce moment que l’étrange voire l’ « Etranger » s’immiscent dans sa vie et celle de son entourage , ses deux enfants et son frère cadet. Des signes surnaturels annoncent l’arrivée d’extraterrestres pas du tout gentils. Mais, en fait, le vrai personnage de ce film est « l’image » et plus précisément la télévision, constamment présente tout au long du film. Elle diffuse les mêmes images sur toutes les chaînes ( comme pour le 11 septembre ) et impose à la famille une vision unique des événements. A cette diffusion uniformisée des images d’envahisseurs, s’oppose les images personnelles du pasteur qui constate et vérifie par lui-même la réalité de ce qui se passe ( les découvertes et la rencontre qu’il fait dans le champs de maïs, la rencontre de celui qui a provoqué la mort de sa femme dans un accident de voiture ). Il essaie donc de faire face à la réalité des événements, ce qui existe devant lui, ni plus ni moins, comme St Thomas devant le Christ. Ce face à face avec le réel ( symbolique du combat spirituel intérieur ) atteint son point culminant à la fin du film dans l’enfermement de la cave puis dans le face à face avec l’extraterrestre qui apparaît, bien réel, dans le reflet de la télévision cette fois éteinte. Ce combat spirituel évoque l’affrontement de l’homme avec le mal qui est en-dehors lui, avec le réel de son existence. Plusieurs points le soulignent : d’abord, le monde des enfants opposé à celui des adultes ; ce sont eux, les enfants, qui comprennent dès le départ la gravité de ce qui se passe dans l’intimité du huis clos familial et leur père doit affronter leur réaction, il doit rester père même s’il ne veut plus être « Père ». Le pasteur doit affronter aussi la mort de sa femme, la figure de l’épouse et de la mère étant absente du film. Il affronte également la maladie de son petit garçon ; lors d’une scène très forte, le père « accouche » son fils asthmatique et lui redonne la vie en lui faisant faire des exercices de respiration. Le tout de ce combat étant vécu dans l’enfermement de la famille signifié par le barricadement dans la cave pour se protéger de l’agression étrangère.

Le pasteur sort victorieux de ce combat. Il est sauvé par le faire mémoire de son existence, en rappelant à ses enfants le jour de leur naissance, en se remémorant les paroles de sa femme sur le point de mourir, les événements et les rencontres vécus depuis ( cf. très beau flash back de la fin ). C‘est donc sa capacité à faire du sens , à relier les moments de son histoire qui vont lui permettre de sauver son fils et de retrouver la foi et l’espérance. Il n’appartient plus à un monde totalement livré au hasard. Cet instant spirituel de basculement où sa vie change, où il relit le passé et où il peut alors réenvisager l’avenir lui est donné : le don de la grâce de Dieu dirait-on sûrement en spectateur chrétien.
Ce qui sauve l’enfant du poison que veut lui insuffler l’extraterrestre, figure du démon, c’est la fragilité de ses poumons qui se sont fermés à cause de la crise d’asthme, empêchant ainsi « le mal » d’entrer. C’est donc sa condition de créé (exprimé à travers l’asthme), c’est-à-dire sa fragilité physique naturelle et donc symboliquement humaine, qui le sauve indirectement. Voilà pourquoi le père peut, en pensant à sa femme qui a été la mère de son petit garçon, répondre à son fils dans une grande paix: «Oui quelqu’un t’a sauvé ».

Novembre 2002



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13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 20:09

Tonie Marshall confirme sa place à part dans le cinéma français après Venus Beauté et dresse un tableau doux amer du monde des médias. Un petit film moderne aux questions universelles.

Risqué un scénario comme celui-ci ! Décrire les travers du petit monde médiatique d’un plateau TV (ici un télé-achat), on avait déjà vu ça, rappelons-nous par exemple Masques de Chabrol. Pourtant, avec sa sensibilité relevée, T. Marshall sauve le film grâce à son tempérament d’artiste, féminin et poétique.

Tout le charme de France Boutique se situe dans un mélange doux amer d’humour, qui donne au film de la légèreté, et de drame, qui dévoile en arrière fond la gravité d’existences vides à la recherche de repères. Sous la forme d’un sitcom, la cinéaste campe des personnages au départ stéréotypés mais plus complexes et attachants à la fin (couple en crise, gay qui fait son coming-out, blonde dragueuse, beau gosse bellâtre plein de mauvaises intentions, directrice manipulatrice…).

Avec humilité, elle utilise adroitement la caméra (décors flashs et multicolores qui s’opposent aux obscurités intérieures des personnages, gros plans utilisés à bon escient pour souligner la psychologie des personnages…). Servi par des acteurs en général crédibles, notamment un François Cluzet tout en finesse, le film pose un regard de tendresse sur les personnes, sans jamais tomber dans le jugement moral. Il s’agit toujours d’un regard de l’intérieur, pas d’une critique intellectuelle extérieure à ce milieu. La réalisatrice sait de quoi elle parle et, autre intérêt du film, elle est parvenue à ne jamais séparer le but de son propos ( le monde des médias comme monde superficiel et en quête de sens ) et l’attachement fort qu’elle porte à ce monde dont elle fait partie.


François Cluzet et Karin Viard. Marion Stalens

Ainsi le spectateur saisit vite que derrière le look branché, derrière les sourires commerciaux et le côté in de l’entreprise se cachent à peine les blessures, les questions humaines. Incomparable cette scène de F. Cluzet vantant les mérites d’une plaque à décongeler puis s’égarant dans une méditation sur le sens de la vie et la fidélité dans le couple, alors que sous ses yeux décongèle une tranche de poisson sous vide. Dans ce passage se résume tout l’esprit du film.

Autant dire que Tonie Marshall a visé juste car son regard est avant tout un regard sur la vie réelle, la nôtre, immergée dans l’attrait du matérialisme et des plaisirs mais pleine de questions sur le sens de la vie, sur l’amour et le don à l’autre. Regard en douceur mais tout en profondeur. Ce n’est donc pas avec l’œil de l’esthète en art cinématographique qu’il faut aller voir France Boutique mais bien avec cet œil là. Celui d’une cinéaste qui sait observer et aimer les gens.

Novembre 2003



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13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 19:56

Keanu Reeves et Hugo Weaving. Warner Bros. France

Quand le cinéma américain veut nous mettre KO...

Avec Matrix le cinéma s’est définitivement installé dans une phase de mondialisation. A Hollywood, la guerre des machines ne fait que commencer. Mais peut-on encore parler de cinéma ?



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13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 19:36

Chasseur blanc, cœur de peau-rouge.

Un film très personnel qui dénonce l’absurdité de la guerre et le patriotisme des Etats-Unis tout en mettant à vif l’identité américaine.
Et qui laisse surgir la question de l’Universel…

Pour son premier film de guerre, J. Woo échappe aux poncifs hollywoodiens du film de genre et livre une vision très personnelle de la guerre.
D’abord l’angle d’attaque du scénario : le film s’inspire d’un aspect méconnu de la seconde guerre mondiale dans le Pacifique : l’utilisation des indiens Navajo et de leur langue par l’armée américaine pour transmettre des messages et des codes indéchiffrables par l’armée japonaise. Même si le film n’a pas de vocation historique, on est surpris par le soin apporté aux détails, à la reconstitution des costumes, de l’armement, de la stratégie militaire…
Ensuite ce qui nous fait vraiment entrer dans ce film sans jamais en sortir : la virtuosité de la caméra et du montage, notamment dans les scènes de combat. Le style chinois du réalisateur est bien là : effet de ralenti, vues aériennes, caméra mobile, travail des artificiers pour les explosions, etc. Pas moins de 14 caméras utilisées simultanément pour certaines prises ! Le réalisateur a fait plus que mettre en scène la guerre, il l’a chorégraphié parvenant ainsi à une esthétisation de la violence ( qui, disons-le même si ce n’est pas l’objet de cet article, pose parfois question ).
Troisième réussite, la bataille de Saïpan sert de toile de fond à une histoire de sacrifice et d’amitié telle que les affectionne J. Woo. Officiellement affecté à la protection de l’Indien navajo Ben Yahzee qui assure la transmission radio, le sergent Enders a pour mission en réalité de tout faire pour protéger le code secret, c’est-à-dire d’abattre l’Indien en cas de capture par l’ennemi. Leur relation au départ ambivalente va devenir une amitié qui ne se dira jamais officiellement si ce n’est dans la bouche du navajo rescapé à la fin du film ( « C’était mon ami » ). Dans ce contexte stratégique, les deux hommes n’ont pas droit de laisser place au sentiment et les coups de théâtre du scénario liés à la guerre empêchent systématiquement cette amitié de s’exprimer, si ce n’est au travers de non-dits, de regards que la mise en scène exprime avec beaucoup de finesse, de discrétion et donc de profondeur.

Ce binôme hors du commun illustre une ironie de l’Histoire : ennemis d’hier, un peau-rouge et un blanc sont unis contre un nouvel ennemi. Cette amitié porte en elle les paradoxes et les fragilités de l’identité de la nation américaine qui a, pour une bonne part, pris sa source dans la colonisation des Indiens et la violence ( certains traits du western apparaissent dans le film ). La venue de l’Indien chez les Marines fait ressortir les vieux démons du racisme et de la violence mais débouche sur l’assimilation puisque le navajo s’avère plus courageux que les autres soldats. Il va ainsi être assimilé aux autres, comme la nation américaine a du se former dans le melting-pot des peuples.
Enfin dernière originalité : le parcours spirituel des personnages. Notamment celui de Enders. Lui qui dessine sur une table une église dans un moment d’accalmie, « qui a fait son catéchisme et a reçu l’onction de la confirmation » devra offrir sa mort en sacrifice pour gagner sa rédemption et exorciser dans cet événement un traumatisme hérité d’une campagne précédente où tous ses frères d’armes ont été tués à cause de son obstination à obéir aux ordres. La scène qui le hante il la rejoue à la fin avec l’Indien mais cette fois dans une symétrie inverse. Les deux personnages ont des rites différents ( l’indien rend un culte navajo aux ancêtres et aux morts ) mais tous deux se disent catholiques. L’utilisation du terme dans ce type de film est rare et très intéressante parce que le terme est pris ici dans son sens littéral et non confessionnel d’ « universel ». A travers la palette de leur différence, les deux personnages s’ouvrent l’un à l’autre. Les nombreux effets de miroirs utilisés dans le film, à commencer par l’autre binôme composé par Christian Slater et le navajo Charlie, signifient une interrogation constante du réalisateur au sujet de l’ouverture à l’altérité comme image de l’ouverture au Tout-Autre. Dans ce contexte, la guerre et son non-sens ne peuvent être que dénoncés. C’est ce à quoi s’emploie ce beau film qui passionnera les amateurs de film de guerre et qui a le grand mérite d’avoir été réalisé par un chinois, certes adopté par le système hollywoodien, mais qui ne se prive pas pour autant d’apporter un regard critique et ironique sur le bellicisme des Etats-Unis. Voilà peut-être de quoi prendre de la distance à l’heure où les Américains célèbre le premier anniversaire du 11 septembre ?

Septembre 2002



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13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 19:18

« L’art est le plus court chemin d’un cœur à un autre » Alain

Le cinéma n’en finira jamais de mettre en image ce que fut le destin de millions de personnes juives menées à la mort dans les chambres à gaz. Besoin d’images, besoin de montrer la réalité de la haine pour « le faire-mémoire », et peut-être aussi pour exorciser une mauvaise conscience, comme une plaie ouverte qui continue à saigner. Sur ce plan là, Le Pianiste est un film inattaquable, au-dessus des autres et sa palme d’Or ne pouvait que s’imposer légitimement dans ce sens.


Le Pianiste raconte l’histoire d’un artiste , Szpilman, perdu dans Varsovie. Le film suit l’histoire d’un homme mais à travers lui celle du peuple juif du ghetto : il inscrit son parcours dans la condition générale faite aux juifs. Polanski a tourné la première partie du film « avec ses tripes » : les images sont très brutales, elles provoquent un réel malaise mais ne tombent jamais pour autant dans le voyeurisme au vu de la force du propos. Le réalisateur ne cherche pas à faire du spectacle. Polanski relate, à travers la vie de son personnage, sa propre expérience de ce que furent ces années tragiques du ghetto. Il retrouve même, comme l’a écrit Olivier De Bruyn ( journaliste à Positif ) dans la note rédigée au moment du festival de Cannes, les constantes de son œuvre : « Tout se passe comme si à travers l’histoire du pianiste, Polanski revenait sur ses traumatismes personnels et fondateurs et livrait la clé de tous ses meilleurs films. L’angoisse, la claustration, l’absurde, l’homme perdu dans un univers dont il ne maîtrise pas les règles…tous ces éléments hantent le Pianiste et en font une oeuvre somme ».

La claustration, un enfermement à la fois extérieur et intérieur, domine la deuxième partie du film. A cette déréliction de l’humanité s’oppose la musique. Non une musique pour « faire joli » et soutenir l’émotion du film mais la musique comme l’expression du génie humain opposée à la bestialité de la violence et de la bête immonde qu’est devenu Szpilman. Le moment le plus fort et le plus beau du film est sûrement la scène où Szpilman devenu une loque joue devant un officier allemand et constate que sa croyance en l’art est intacte. Bien plus, la musique, dans sa puissance esthétique en tant qu’art, réunit alors les deux personnages déchirés par la haine et que tout devrait opposer. La musique les fait retrouver leur dignité humaine et leur révèle leur transcendance au beau milieu d’un monde qui n’a plus aucun sens. La musique - et l’art en général à travers le propos de Polanski- les sauve, tous les deux pour des raisons différentes.
A la fin de la guerre, lorsque la radio polonaise recommence à émettre, le pianiste peut alors reprendre le nocturne de Chopin interrompu par les premiers bombardements de la guerre qui commençait au début du film. L’espoir se fraie donc un chemin fragile même si beaucoup face à l’horreur de leur condition ont dit leur refus de croire encore à l’existence de Dieu. La musique ne peut en elle-même donner une réponse entière au sens de l’existence humaine. Comment alors penser Dieu après l’holocauste ? Question que porte en fin de compte Le Pianiste, tout au long du film dans la profondeur et la force brutale de ses images.

22-11-02

 



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13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 18:57

"La palme de l’émotion" annonce l’affiche du film. Et c’est vrai qu’en matière d’émotion on est servi ! Prix d’interprétation féminine et prix du scénario à Cannes 2003, Les invasions barbares n’a de "barbare" que son titre.

 

Rien de plus humain que ce film au ton grave et déchirant qui ne tombe cependant jamais dans le mélo. Sans fausse pudeur le film traite des thèmes de la maladie et de la mort. Relativement classique au niveau des plans et du montage, il détient un atout majeur, des dialogues savoureux, intenses et un jeu d’acteurs très réussi. "J’ai écrit le scénario du film au cours des deux dernières années" déclare Denys Arcand. "C’est un sujet qui me hante depuis longtemps mais je n’arrivais jamais à lui donner une forme satisfaisante pour moi. J’aboutissais toujours à des scénarios lugubres et déprimants. Jusqu’au jour où j’ai eu l’idée de réutiliser les personnages du Déclin de l’Empire américain. Leur bonne humeur, leur cynisme et leur intelligence me permettaient de traiter ce sujet avec une légèreté qui me plaisait".



De fait, le réalisateur est parvenu à faire un film léger parfois drôle tout en se permettant d’aborder la question profonde de l’existence du Mal, de son "invasion" pour être plus juste. Il met en intime relation une invasion du Mal intérieure à l’homme, la maladie de Rémy, sa mort programmée, sa souffrance et une invasion du Mal extérieure à l’homme, celle de notre société contemporaine, avec ses agressions et ses injustices (la surcharge des hôpitaux, les petites lâchetés de nos comportements, les problèmes dus à la drogue, l’absence de vraie relation entre les êtres malgré les moyens de communication moderne...). En arrière plan mais avec beaucoup de force surgit la question du fanatisme et du terrorisme rappelés par les images du 11 septembre 2001 qui donnent au film son titre. Sans intellectualiser son sujet, Denys Arcand dresse donc un tableau doux amer d’un monde en perte de vitesse, un monde revenu de ses idéaux des années 60, désabusé et un peu perdu en somme...

Pourtant, au cœur de ces invasions, grandissent l’humour, la tendresse et une chaleur humaine rassurante au travers de thèmes aussi essentiels que l’amitié, l’amour et la famille. Les rapports progressivement renoués entre Sebastien le fils et Remy son père installent au centre du film la question du rapport entre les générations.


Au début, l’un en face de l’autre, ne se comprenant pas, ils termineront l’un à côté de l’autre pour affronter la souffrance. L’imminence de la mort qui s’impose permet une réconciliation, une relation de vérité qui laisse l’amour s’exprimer ("dites-lui que vous l’aimez", insiste la religieuse auprès de Sebastien sentant la phase terminale arriver). Cette parole d’apaisement arrivera, le fils ayant auparavant tout fait pour atténuer la souffrance de son père, y compris en dehors des cadres de la morale (l’utilisation de l’héroïne pour calmer la douleur; les étudiants payés pour rendre hommage à leur prof; la douloureuse question de l’euthanasie). Mais cette parole d’amour attendu entre le fils et le père reste la clef, elle aura mille fois plus de pouvoir de guérison ; elle les "sauve" tous les deux.

A l’image de la paix familiale et amicale retrouvée devant la mort inéluctable de Rémy, D. Arcand laisse entrevoir que c’est en acceptant la mort, physique ou spirituelle, en renonçant à soi-même ou à quelque chose que l’homme peut ressortir grandi, pacifié, capable d’aimer gratuitement, vraiment heureux.



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13 février 2006 1 13 /02 /février /2006 02:14

LE CINEMA EST NE OFFICIELLEMENT EN 1895

mais bien des étapes se sont succédées avant cette invention...

Une image desFrères Lumière en attendant d'entamer la rubrique histoire du cinéma ....

et l'ancêtre de l'appareil de projection des frères Lumière ... le praxinoscope...



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12 février 2006 7 12 /02 /février /2006 23:22

Avec son Alexandre, Oliver Stone a réussi le pari d’un film-opera flanboyant, à la hauteur de son personnage.

 Affiche américaine. Pathé Distribution
[24/01/2005]

Les défauts de la superproduction américaine et sa surenchère de moyens trop appuyés sont vite oubliés car ce qui fait adhérer à ce film c’est avant tout sa vérité et sa sincérité qui se traduisent dans son souffle exceptionnel, sa puissance de vie, sa mise en scène somptueuse et travaillée : un bel éclat de cinéma dont il faut profiter sans bouder son plaisir. Ceux qui n’ont pas perçu ce « soufflle » cinématographique semblent être passé à côté de ce film original à l’esprit ouvert et généreux même au cœur de la machine commerciale.

Colin Farrell. Pathé Distribution


La mise en scène brille par la fluidité de son style mais aussi par sa complexité que cache une trame apparemment simpliste (un vieillard raconte la vie d’Alexandre). Oliver Stone à n’en pas douter a le sens du Beau et réalise une fresque historique, proche de l’art du tableau et du pinceau. (L’inconsistant « Troie » paraît ici bien insipide). Sens des couleurs, montage précis et grandiose, flash-back mentaux, ralentis utilisés à bon escient, filtres colorés, Stone ne cesse de surprendre dans sa manière de traiter l’histoire et sait utiliser le moyen qu’il faut au bon moment pour aider à rentrer dans la complexité du personnage (flash back final inattendu sur la mort du père; filtre rouge lorsque la bataille atteint son paroxysme et met un point final aux conquêtes).

Colin Farrell. Pathé Distribution


Sans numérisation outrancière, la reconstitution est splendide et les scènes de combat impressionnantes. Par delà la forme, le spectateur ne peut constater que Oliver Stone a travaillé avec sincérité et amour sur son sujet, quitte à se laisser emporter par cette générosité dans la fougue et la légèreté. De là naît le plaisir de cinéma pour le spectateur qui parvient à partager ce souffle et à vibrer: légèreté et profondeur se mélangent dans une œuvre qui avance comme son héros, toujours plus loin.

Angelina Jolie et Colin Farrell. Pathé Distribution


Légèreté et profondeur en effet chez ce héros d’une modernité incroyable. Alexandre, marqué par les destins d’Achille, d’Œdipe, etc, a l’audace hors du commun d’aller plus loin que faire la guerre, il va jusqu’à vouloir épouser les cultures et les terres qu’il affronte. Volonté de découvrir l’inconnu, de s’intéresser à l’étranger. Est-ce par réel intérêt stratégique, par un humanisme visionnaire ou bien est-ce par innocence et recherche d’identité personnelle qu’Alexandre détient cette soif de connaître et de rencontrer ? Quoiqu’il arrive il mène ses hommes jusque dans leurs retranchements, il les éduque à vaincre la peur ; se prenant pour un dieu, il souhaite rester éternellement dans les mémoires parmi les héros jeunes et glorieux. Puissance et élan virtuose mais aussi fragilité bouleversante, toujours sur le fil du doute ou de l’inconfort. Recherche de l’autre chez ce héros qui ne sait pas qui il est vraiment, marqué par sa mère vengeresse, presque incestueuse et un père violent, tout cela noué au cœur du rapport amoureux avec Ephaïston (notons au passage qu’Hollywood traite sans faux semblant l’homosexualité dans l’antiquité).

Le genre antique a donc fait son come-back à Hollywood avec cette nouvelle épopée guerrière et le récit d’un héros antique puissant mais si vulnérable en même temps. Redécouvrir ce genre en 2005 avec nos connaissances et nos moyens cinématographiques d’aujourd’hui permet d’affiner la vision que nous pouvons avoir de personnages historiques tels qu’Alexandre et le film reste précis dans sa reconstitution historique. Mais surtout le destin d’Alexandre a des choses à nous dire sur les dominations d’aujourd’hui. Il n’est pas étonnant qu’un américain se penche sur un personnage tel que lui, fasciné par l’esprit de la conquête et de la découverte. Les Etats-Unis sont nés de cette conquête (le western). Cet appétit de puissance, de violence et de pouvoir marque profondément la culture américaine. Depuis le 11 septembre pourtant la super puissance apparaît comme déstabilisée et « menacée » par l’Etranger. Entre Alexandre et Georges Bush, l’Histoire bien sûr a coulé, les codes guerriers ont évolué mais c’est toujours la même soif de domination et de conquête. Avec les doutes et les fragilités en plus…

 



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